mars 28, 2024
Accueil » Aghiles Issiakhem, art et courage

Son oncle M’hamed, l’artiste mondialement connu et reconnu, ne pensait pas qu’un rameau pousserait de son arbre familial pour aller suivre la direction qui était la sienne ! L’art, le dessin surtout, est la raison de vivre de Aghiles Issiakhem…

En tant que tout azeffounien, on ne peut pas parler de l’artiste Aghiles Issiakhem, sans penser à son père, le docteur Nasser (paix à son âme). Son installation, en tant que premier médecin privé au niveau de la ville d’Azeffoun avait soulagé toute la population de la région.

En effet, avant sa venue, le seul médecin privé, docteur Mitouchi, pouvant être consulté se trouvait à Azazga. Et quand on sait qu’il était sollicité par toutes les autres contrées environnantes, à une quarantaine de kilomètres à la ronde, on peut facilement imaginer les difficultés qu’enduraient les patients pour s’y rendre et être auscultés.

Ce prologue, s’imposant de lui-même, n’est relaté que pour lier l’auteur à son origine et son lieu de naissance, Azeffoun, en 1989.

Don d’artiste

A priori, vu de l’extérieur, fils de médecin qu’il est, on penserait à d’autres ambitions, en l’imaginant aller plus loin que son géniteur dans le même sillage. Mais, lucide et ressentant en lui ce don d’artiste, le père ne voulait pas lui tracer un chemin parallèle à sa passion. Au contraire, il l’avait aidé à développer son talent.

« Mon père ne me permettait de sortir balader dans la ville d’Azeffoun. Il m’achetait tout le matériel nécessaire, de la peinture, des crayons, du papier et me laissait faire. C’est ainsi que j’ai appris tout seul. Je dois reconnaître, que j’avais un mentor avec qui j’ai progressé, Aziz, peintre et musicien », dit-il.

Progresser tout seul

A sa naissance, toutes les conditions étaient réunies pour mener une vie aisée. Du point de vu matériel et moral, puisque son père était un médecin qui travaillait à son compte et leur habitation, qui se trouvait au-dessus du cabinet, était aussi décente que confortable.

Mais, n’étant jamais un fleuve tranquille, sa vie a pris un autre tournant le jour où son père, qui a soigné tant de malades de la région, est séparé de la vie par une vilaine maladie, alors que, ni son âge, ni son aspect extérieur, ne présageait un tel sort.

Alimenter son art

Aghiles, à cette date, n’est âgé que de quinze ans. Il aurait baissé les bras sans sa force de caractère. Passer d’un présent sécurisé à un futur incertain, à son âge, n’était pas évident. Et pourtant, il a pu alimenter son art, en exploitant sa douleur. Il rêvait de faire l’école des beaux-arts, mais, il a raté son bac, cette clé pouvant lui permettre d’y accéder.

Néanmoins, cela ne l’a pas découragé de progresser tout seul. D’un côté, il trouve que c’est un avantage d’être autodidacte, puisque sa liberté d’agir n’est pas ligotée par les règles académiques prodiguées par l’école. Pour lui, il n’y a pas que le don, il y a surtout le travail. Sinon, tout le monde est artiste, sauf que certains exploitent leurs talents en travaillant, d’autres ne le font pas.

Sa raison de vivre

L’art, le dessin surtout, est sa raison de vivre. D’esprit libre, seul ce métier peut lui permettre de voler à sa guise. Outre, le dessin, il fait aussi de la sculpture, sur bois notamment. Comme il fait du recyclage des objets à sa manière, en les embellissant par son art, à l’image de cette portière de la voiture de son oncle.

En 2013, pour exaucer le vœu, à titre posthume, de son frère, Said, décédé en 2012 à l’âge de 34 ans, il obtint le diplôme en prothèse dentaire, après avoir suivi une formation afférente. Il a exercé cette fonction pendant deux ans, mais n’étant pas du genre qui se tient dans un même poste pendant toute la journée et d’une manière régulière et continue, il a cessé en 2015 pour renouer avec sa passion, le dessin.

Se confier à son pinceau

Malgré son jeune âge, il a commencé à exposer, sans discontinuer, de 2009 à 2012. Puis, profondément touché par la mort de son frère, il a fait une trêve d’exposition de dix ans. Pendant sept ans, depuis qu’il a cessé sa fonction de prothésiste, en 2015, il peignait dans le silence.

Pour satisfaire sa passion et lutter contre la douleur causée par le cancer qui lui a arraché trois êtres chers, le père en 2005, la grand-mère paternelle en 2008 et son grand frère en 2012, Aghiles s’est toujours confié à son pinceau. En 2022, après avoir repris ses esprits, il décida de partager ses œuvres, réalisées pendant la trêve, en reprenant les expositions. Actuellement, il est à la villa Dar Abdeltif où il présente ses œuvres du 11 au 26 janvier 2023.

En quittant ce monde, en 1985, l’artiste, mondialement connu et reconnu, M’hamed Issiakhem ne pensait pas qu’un rameau, Aghiles, pousserait de son arbre familial, quatre ans après, pour aller suivre la direction qui était la sienne.

Homme sage et mature

Outre l’artiste, en l’écoutant, on ressent un homme sage et mature, malgré son jeune âge. Il pèse ses mots, si beaux et profonds, en parlant. La douleur, en perdant trois êtres chers, son père, sa grand-mère et son frère, emportés par la fâcheuse maladie, l’a forgé. « Le cancer a ruiné ma vie », nous a-t-il dit. Mais, il a fait de lui un grand homme.

Le monde a besoin de son genre pour illuminer par son art et participer à la dépollution de notre terre en redonnant la vie aux objets par son pinceau, plutôt que d’être jetés dans la nature. Que sa vie soit longue pour que son art s’épanouisse, se transmette et empêche l’obscurité de régner.

« Un pays sans artiste est pays mort », disait son oncle M’hamed. Tant que Aghiles et ses semblables travaillent en synergie, notre pays restera toujours vivant.

Annaris Arezki

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