
Sa créativité et son engagement dans l’univers de la bande dessinée lui ont valu une reconnaissance notable. Belkacem Younsi, bédéiste-caricaturiste, en passant à l’édition de sa première BD (Talsa Editions, 2023), veut apporter sa contribution pour que sa culture plusieurs fois millénaire puisse continuer à exister…
L’œuvre du natif des At Zmenzer (Tizi-Ouzou, Kabylie) traduit son profond attachement à la culture et à la société algérienne. Sa passion pour la bande dessinée lui offre un moyen d’expression créatif pour traiter des sujets contemporains et pertinents. Son art témoigne de son engagement envers son pays et sa capacité à véhiculer des messages significatifs à travers ses dessins.
Dans cet entretien, Belkacem Younsi revient sur son parcours littéraire et artistique. Il parle de ses sources d’inspirations et de ses influences ainsi que de la bande dessinée en Algérie et des maitres qui l’ont marqué et lui ont ouvert la voie du neuvième art jusqu’à l’édition de sa première BD en tamazight… sans oublier d’évoquer l’importance de la lecture pour les enfants et le rôle que peut jouer la BD dans leur développement !
Vous venez de sortir votre première BD en tamazight “WEẒRU – Win yettselliken iman-is !”. Pourriez-vous nous en donner un aperçu ?
C’est une DB qui raconte les aventures d’un bonhomme préhistorique, que j’ai prénommé WEẒRU. Un personnage intelligent, plein d’humour, et parfois maladroit, mais face à des situations contraignantes, il s’en sort à chaque fois grâce à ses qualités de débrouillard (en kabyle : win yettselliken iman-is).
WEẒRU est la parfaite image d’un antihéros, disons que j’ai voulu que les lecteurs s’identifient un peu à lui donc il n’est pas parfait comme tout le monde
Vous êtes aussi caricaturiste, avec plusieurs contributions dans la presse écrite, comment s’est fait le passage de la caricature à la BD ?
Quand j’étais petit je voulais être auteur de BD, je me voyais en Hergé, en Uderzo, Chéret ! Procurer de la joie et du rêve aux autres était un but pour moi. Certes, c’était un rêve lointain, finalement il s’est réaliser grâce au travail et à l’abnégation.
Donc la transition de la caricature vers la BD s’est faite de manière naturelle et normale, vu mon expérience de plus de 13 ans dans le monde de la presse écrite, ça m’a beaucoup aidé. Le trait et les idées entre la caricature et la BD sont pour la majorité du temps identiques, par conséquence il n’y a pas de difficultés de ce côté-là.
Parlez-nous un peu de vos lectures, de votre parcours littéraire et artistique ? Quelles sont vos principales thématiques, que ce soit dans la caricature ou la BD ?
Comme tout le monde j’ai mes auteurs préférés, par exemple : Hergé le papa de Tintin, j’adore son trait simple et difficile à la fois. Je lisais beaucoup Astérix, le génie d’Uderzo me subjuguait et la fine plume pleine d’humour et de formules extraordinaire de Goscinny me fascinait.
Je n’oublie pas ma stupéfaction face aux traits réalistes du célèbre comics « Connan le barbare » et l’imagination de son créateur Robert Ervin Howard ! Rahan le fils de Crao et les scènes d’actions de ce dernier ! Loin de la BD, j’ai aussi mes préférences de la littérature classique, je peux citer Voltaire, Hemingway, Balzac, Mammeri, Dib, Djobrane. Les milles et une nuit aussi a façonné mon imaginaire…
Côté artistique, j’ai commencé le dessin depuis ma tendre enfance, je suis autodidacte. J’ai eu la chance de travailler avec plusieurs organes de la presse nationale. Aussi, je fais des dessins pour les façades d’écoles, des portraits et des peintures. Mes thématiques sont variées, je touche un peu à tout, je n’aime pas réduire mon champs de liberté artistique.
Quelles sont vos sources d’inspiration, et vos influences, lors de vos créations artistiques ?
J’ai plusieurs sources d’inspiration ; premièrement il y a le vécu quotidien, notre culture kabyle, algérienne et nord-africaine. Il y a aussi, pour exemple, les grands ténors de la BD et de la caricatures qu’ils soient nationaux comme Slim, le Hic, Dilem, Haroun et étrangers à l’image des Uderzo, Morris, Hergé, André Chéret et les illustres Mangakas Japonais tels Akira Toriyama, Eiichiro Oda et Masashi Kishimoto pour ne citer que ceux-là et la liste est longue !
Après toutes ces années pleines de créativité et de passion pour l’art, d’où vous est venue l’idée de passer à l’écriture, et plus précisément, en votre langue maternelle ?
La principale raison fut la pauvreté de la scène artistique et littéraire d’œuvres écrite en Tamazight, donc j’ai bien voulu apporter ma modeste contribution et montrer aux jeunes auteurs la voie, pour que notre culture plusieurs fois millénaires puisse continuer à exister. Ensuite, il y a les encouragements de mon ami artiste Kamel Bentaha, qui n’est plus à présenter dans le domaine de la BD amazighe ; d’ailleurs il a fait une recherche immense, qui a abouti au terme “TIFGHAL” et qui signifie BD en tamazight.
Selon vous, quelle est l’importance de la lecture pour un enfant ; qu’en pensez-vous du rôle que peut justement jouer la BD dans ce cas-là ?
La lecture est primordiale et capitale dans l’acquisition du savoir pour un enfant, et la BD est le socle qui peut attirer et donner à l’enfant l’aisance et la compréhension de la langue et ce en s’exerçant avec elle chaque jour. Elle fertilise son imaginaire, enrichit son lexique et son vocabulaire et lui ouvre la voie artistique en même temps.
Etant enfant, la BD était un moment d’extase et d’évasion pour moi, c’était mon monde féerique je pouvais voyager dans n’importe quelle époque et n’importe quel endroit sans préavis, je vivais à travers elle.
En votre qualité de bédéiste-caricaturiste, qu’en pensez-vous du neuvième art en Algérie ? Un mot sur ses pionniers ; que diriez-vous aux jeunes talents qui n’ont pas encore pu passer à l’édition ?
Le neuvième art en Algérie a connu un développement considérable par rapport aux précédentes années, même si il y’a toujours des lacunes sur la situation financières des auteurs BD et beaucoup de travail à faire de ce côté-là. Nos anciens ont ouvert la voie aux jeunes artistes, et d’après moi chaque, génération doit apporter sa contribution et assumer ses responsabilités par rapport à cet art noble.
J’encourage les jeunes à passer à l’édition c’est en forgeant qu’on devient forgeron, rien ne sert de faire une œuvre et souffrir le martyr afin de la terminer pour qu’en fin de compte, elle finit au fond d’un terroir.
D’autres projets à l’avenir ? Un dernier mot, un message particulier à faire passer…
Des projets il y’en aura toujours tant que le vent en poupe de l’inspiration est présent. Déjà, il y aura la suite de WEẒRU ; aussi, d’autres projets sont en gestation et qui portent sur des histoires et thématiques inspirées de notre patrimoine.
Je tiens à rendre hommages à mes deux défuntes grand-mères sans lesquelles l’amour de raconter des histoires qu’elles soient orales, écrites ou illustrées n’aurait jamais niché dans mon cœur et mon esprit.
Un grand merci pour mon soutien de toujours (ma très chère femme) sans laquelle cette BD n’aurait jamais vu le jour .Un grand merci pour M. Kamel Bentaha qui m’a toujours orienté et montré la voie de la réussite par ses conseils et ses avis judicieux.
Un chaleureux merci aux éditions Talsa, et en particulier, à M. Hamza Sahoui pour sa présence et son accompagnement et sa précieuse aide pour l’aboutissement de ce rêve qui est devenu réalité. Je dédie ce travail aux familles YOUNSI et FERRAG !
Bio-Express
Belkacem Younsi est né le 3 avril 1982 à Tizi-Ouzou, dans la région d’Ath Zmenzer. Auteur autodidacte et dessinateur de presse depuis 2010, il a tracé un parcours artistique remarquable. Il a collaboré avec divers journaux nationaux au fil des années, notamment “La Tribune des Lecteurs“, “Alwassat” et actuellement “Le Courrier d’Algérie“. En outre, il a apporté sa contribution aux publications telles que “Salama Magazine“, une revue franco-algérienne, ainsi que les magazines “Anti” et “Nass Bladi“.
En 2010, Belkacem Younsi a été honoré du troisième prix lors du concours de la meilleure caricature organisé par la télévision nationale ENTV, et en 2017 il a eu le premier prix lors du festival de la bande dessinée à Tizi-Ouzou. En 2023, il signe sa première bande dessinée en tamazight sous le titre “WEẒRU – Win yettselliken iman-is !” parue aux éditions Talsa.
Parallèlement à sa carrière artistique, il a également obtenu un diplôme en sciences juridiques de l’Université Mouloud Mammeri.