
Les résultats sont, pour le moins qu’on puisse dire, inattendus pour “Tin Akken”. Ayant séduit le public, cette pièce, nominée pour quatre prix, n’a eu à la fin que celui de la meilleure musique. L’équipe de “Tin Akken” nous livre ses sentiments à la fin du festival du théâtre féminin. Il nous racontent…
La clôture de la 5e édition du festival culturel national de la production théâtrale féminine a eu lieu mercredi dernier au théâtre régional Azzedine Medjoubi d’Annaba. Le prix “Keltoum” de la meilleure représentation a été décerné à la pièce “Chajarat El maouz” du théâtre régional de Skikda produite en 2022. Ayant perdu ce prix, malgré une bonne prestation, “Tin Akken”, pièce représentant le théâtre amazigh, sort avec les honneurs !
La pièce ayant eu ce prix est une oeuvre dramatique mise en scène par Chahinez Naaouache. Elle traite de la philosophie de la vie et de la sagesse qui sous-tendent la succession des générations et impliquent la nécessité de la coexistence. A travers la métaphore du bananier (Chajarat El maouz) qui survit à son propre dépérissement, les liens entre les générations sont ainsi traduit par le bananier.
“la reconnaissance du public suffit”
Ne pouvant cacher leur déception, les membres de l’équipe de la pièce “Tin Akken” partagent le même avis quant aux résultats du festival. En effet, “Tin Akken”, qui était pressentie pour ce prix et bien partie pour tout rafler, n’a eu que celui de la meilleure musique, le second après celui obtenu à Batna lors du festival du théâtre amazigh. Les résultats sont, pour le moins qu’on puisse dire, inattendus pour “Tin Akken”.
Pourtant, lors de la présentation, “Tin Akken” a séduit le public annabi. “Pour nous, la reconnaissance du public et des personnes présentes, de grandes figures du théâtre algérien, suffit amplement comme encouragement. Avant l’annonce des résultats, tout le monde nous a félicité et nous a exprimé leur admiration pour notre représentation, mais le dernier mots revient toujours aux jurys“, regrettent-ils.
“les autres pièces méritent aussi”
Certes, les prix ont leur importance pour tout artiste, c’est ce que le motive et le pousse à aller de l’avant, mais des fois, contre toute attente, les choses se passent autrement. Ainsi, au lieu de le booster, c’est le contraire qui se produit ! “Malgré la déception, et l’envie de remporter le maximum de prix, nous tenons à féliciter les lauréats, les autres pièces méritent aussi”, a tenu de le préciser Nacer Terad, président de l’association culturelle Ithran de Takerboust (Bouira).
Il est à noter que “Tin Akken” était nominée pour les prix de la meilleure interprétation féminin Nassira Ben Youcef ; meilleure scénographie Soufiane Mesbah et meilleur texte Nassira Ben Youcef. Les présents, tels que Omar Fatmouche, Fatiha Soltane et Lynda Sellam ont tous salué la prestation de “Tin Akken”. “Dommage, on n’a eu seulement le prix de la meilleure musique attribué à Ferhat Kaci“, nous a fait savoir Nacer Terrad avec regret.
“Tin Akken”, spectacle joué en langue kabyle…
Le jury a attribué le prix “Keltoum” du meilleur rôle féminin à Souad Djenati, pour son rôle dans “Mira” de la troupe “Mosaïque” de Sidi Bel Abbès. Le prix “Keltoum” de la meilleure mise en scène est revenu à Hichem Bousahla, pour la pièce “Mira”. Quant au prix du meilleur rôle masculin, il a été décerné au comédien Redouane Boukachabya, pour son rôle dans “El Djabbana” de l’association “Moubdioun bila houdoud” d’Annaba.
Sofiane Mesbah, metteur en scène de “Tin Akken” est revenu quant à lui sur l’accueil du public et son appréciation : “Le fait d’arriver à faire réagir le public, à le faire connecter tout au long du seul spectacle joué en langue kabyle, est notre grande réussite“, souligne-t-il en insistant sur l’importance de ce genre de manifestations pour s’améliorer et mieux travailler à l’avenir.
… et seule représentante du théâtre amazigh
“Ce festival nous a permis de se mesurer aux autres troupes présentent ici et comparer ainsi notre pièce aux leurs. C’est comme ça qu’on pourra faire avancer notre théâtre amazigh“, estime-t-il. En effet, déjà dans les présélections, la concurrence était rude, “notre pièce est retenue pour le festival parmi les trente candidatures. “Tin Akken” est la seule représentante du théâtre amazigh à Annaba”, a-t-il remarqué.
Quant aux prix, le jeune metteur en scène, primé aussi à Batna, estime que le théatre amazigh a cette particularité d’être un moyen d’expression identitaire et culturelle, de ce fait, la récompense vient autrement. “Au-delà des prix, qui ont leur importance aussi bien symbolique que honorifique, notre théâtre à nous est un combat pour notre culture et notre langue. Arriver à jouer sur scène avec notre langue et gagner le respect des grosses pointures du théâtre algérien, est la meilleure récompense pour nous !” insiste-t-il.
“Tin Akken”, une pièce au thème “assez original”
De son côté, le compositeur de la musique de “Tin Akken” se réjoui de ce deuxième prix obtenu en l’espace de moins de deux mois, après celui de Batna à l’occasion du festival du théâtre amazigh. “C’est un honneur pour nous tous que la musique composée pour la pièce “Tin Akken” ait primée au festival de Annaba, après avoir eu le prix à Batna”, nous dira Kaci Ferhat qui a composé la musique à partir du scénario et du thème traité par la pièce.
A propos de cette pièce, le compositeur et l’arrangeur de musique nous a fait savoir que le thème de “Tin Akken” est “assez original, où le sujet de la femme est traité d’une manière différente de ce qu’on entend ou on voit habituellement”. Avant de louer la prestation des deux comédiens : “le talent des deux comédiens, Nassira Ben Youcef et Makhlouf Aoudia, est remarquable, ils jouent d’une manière exceptionnelle”, tient-t-il de le souligner.
Nassira Ben Youcef : ” je dois beaucoup à Sonia”
Pour rappel, cette 5e édition du festival du théâtre féminin est dédiée à la mémoire de l’artiste Sonia. La célèbre comédienne, disparue le 13 mai 2018, à l’âge de 65 ans, de son vrai nom Sakina Mekkioui, fondatrice en 2010 du festival alors directrice du Théâtre régional Azzeddine Medjoubi de Annaba (TRA). “Tin Akken” était en concurrence avec les pièces « El jebana » (Annaba), « Mira » (Sidi Bel Abbes), « Koumaïcha » (Sétif), « Dhat » (Skikda) et « Chajarat al maouz » (Skikda).
Nassira Ben Youcef, qui a écrit le scénario de “Tin Akken” et principale comédienne, ayant connu la défunte Sonia, revient sur la symbolique de leur participation : “Participer à ce festival dédié à la mémoire de la défunte Sonia compte beaucoup pour moi. J’ai eu l’occasion et l’honneur de la côtoyer, je dois beaucoup à Sonia ; paix à son âme ! Elle m’a toujours encouragé et cru en moi, et c’est grâce à elle, peut-être, que je suis arrivée là…”.
“Nous sommes habitués à ce genre de détours”
Pour les prix, elle estime que “Tin Akken” ne démérite pas ! “On était à la hauteur sur tous les plans, les réactions du public et leurs témoignages le démontrent bien, mais c’est comme ça… Nous sommes habitués à ce genre de détours, mais ce n’est pas une raison pour baisser les bras, notre théâtre continue d’exister et nous serons toujours-là pour mieux le représenter”, lance-t-elle.
La comédienne nous fait savoir que la défunte Sonia, grande comédienne qu’elle était avec son immense talent, n’a jamais eu de prix ! Même chose pour Fatiha Soltane que la comédienne a rencontrée sur place. En effet, la grande figure du théâtre et du cinéma algérien, lui a fait la confidence que elle aussi n’a jamais eu de prix !
“des résultats qui ne reflètent pas la qualité des présentations”
Pour Nassira Ben Youcef, “le point commun de ce genre de concours c’est qu’on on assiste parfois à des résultats qui ne reflètent pas les prestations des comédiens et la qualité des présentations, ce qui est regrettable !”, a-t-elle conclue. Pour Dda Makhlouf, l’un des doyens du théâtre algérien, la passion n’a pas de prix : “Tant que il y a de la passion, l’envie de continuer à donner plus y sera toujours”, nous confie-t-il en homme sage.
Pour rappel, le comité de sélection composé des comédiens Kamel Rouini, Fatiha Soltane et Mohamed Yargui a retenu une short list de six pièces après avoir visionné une trentaine de spectacles. La présentation de “Tin Akken”, a eu lieu mardi dernier (29 novembre) devant le jury présidé par l’écrivain Driss Boudiba et composé de Nabia Zaïdi, Radia Serouti, Mohamed Réda Kechroud et Mounia Aït Meddour.