décembre 3, 2023
Accueil » La chanteuse Ferroudja Saidani, carrefour de l’amazighité

Tout en restant universaliste, de par son humanisme, la chanteuse Ferroudja Saidani fait de son amazighité l’oxygène, sans lequel, la vie n’est pas possible. Elle en est un véritable carrefour, par ses chants, ses activités, ses efforts et son rôle de courroie de transmission…

C’est presque sa raison d‘être, ou bien sa raison d’être. Elle n’est jamais satisfaite de ce qu’elle connait de son identité. Elle cherche toujours à en savoir davantage, sans se limiter aux frontières de la Kabylie, ni à celles de l’Algérie. Ferroudja Saidani va au-delà sans soucier ni des difficultés, ni de la fatigue, ni des risques…

C’est au village Imezgharen, commune de Frikat (Drâa El Mizan, Kabylie), qu’elle a vu le jour (et le jour l’a vue !). Son enfance étant tourmentée et instable, elle y a vécu jusqu’à l’âge de treize ans, avant d’aller rejoindre la capitale, Alger, pour y élire domicile et travailler. Tout en suivant une formation de couturière, elle s’instruisait en autodidacte.

Tamazight dans ses variantes linguistiques

Comme la plupart des filles de son époque, l’ignorance l’a empêchée d’assouvir sa soif, en la désaltérant sur les bancs de l’école. Néanmoins, grâce à sa volonté et son amour pour le savoir, elle a pu hausser son niveau en lecture et en écriture.

Grâce à sa curiosité et sa persévérance, elle a pu se perfectionner en maîtrisant aisément le français et tamazight dans ses variantes linguistiques. Son rêve étant de se verser dans le monde artistique, le chant en particulier, dans les années 1990, elle a entamé son parcours par la radio chaîne 2 d’expression amazigh (kabyle surtout à l’époque).

Entame du parcours par la radio

Elle a intégré les émissions enfantines menées par l’animateur chevronné, Rachid Alliche. Elle participait, aussi, à l’émission de poésie animée par Guerouj Rabah et, pour tout peaufiner, elle est passée par le tamis aux mailles serrées, tenu par l’intransigeant Mdjahed Hamid, à travers son émission « Icennayen Uzeka » (les chanteurs de demain).

Et elle profitait, aussi, des moments creux pour côtoyer les artistes talentueux, à l’image du grand poète Mohamed Benhanafi . Même, après ces émissions, où elle participait réellement, elle gardait l’oreille collée au poste radio pour mieux apprendre, en écoutant tout ce que les ondes de la chaîne 2 véhiculaient. Tout en tenant à son rêve de faire partie du monde de la chanson kabyle.

« Ferroudja Saidani, chanteuse kabyle »

Munie de sa voix si douce et d’une émouvante tessiture, elle signa son entrée dans le monde du chant par un album, intitulé « Lefhul », publié par les éditions – Palais du disque – en 1996. Ce n’était qu’un début puisque d’autres perles (albums) viennent s’ajouter pour composer un joli collier. Ainsi, se suivent les publications de l’artiste.

En 1999, l’album « Tullas d lkas » est né aux éditions – Akbou Music. En 2003, « Tanelkra » , en hommage aux martyrs du printemps berbère de 1980 , resté inédit, la censure le décidant , est diffusé sur YouTube par le site portant le nom de « Ferroudja Saidani, chanteuse kabyle ».

« Yessis n Tmazgha »

En 2004, c’est à l’édition « Izem » que l’album « ad iruh » a vu le jour. En 2009, « Timlilit » un album où la chanteuse a permis la rencontre, par sa belle voix des textes de plusieurs variétés linguistiques amazigh : Tamacaqt (des targuis), Tacelhit (Maroc), Tacawit (les Aurès), Tacenwit ( Tipaza) et Tamzabit (Mzab).

Dans ce même album, elle a rendu hommage aux femmes emblématiques de la civilisation amazigh, Dihya, Tinhinan, Cimsi, sous le titre de « Yessis n Tmazgha ».

Et puis, après une longue trêve de dix-huit ans, en 2017, elle revient avec son sixième album qu’elle a intitulé « Tighri n usmekti » où, entre autres, elle a rendu hommage, sous le titre « Itran labda »à Taos Amrouche et autres artistes. Elle voue un grand respect à cette dame, Taos Amrouche, qu’elle prend pour référence de la chanson kabyle.

Engagement militant pour l’identité amazigh

Comme la diva Hanifa, dont le sort semé d’embûches et de galères, est commun à ces deux sommités de la chanson féminine kabyle. Faisant mélange de styles, côté moderne, elle se retrouve, musicalement parlant, dans celui du groupe « Djurdjura » chapeauté par Djohra Abouda.

Côté masculin, point de vue mélodie, elle prend pour référence « Farid Ali » avec sa célèbre chanson « A yemma A3zizen ur tru ». Quant à l’engagement militant pour l’identité amazigh, elle retrouve ses repères dans le parcours de Matoub Lounes.

« Donne-moi un pays »

En 2020, elle donne naissance au septième album : « Tarwiht ireqen ». En 2022, le premier jour de Yennayer , elle nous éclaira par son huitième album « Tiftilin ».

Très prochainement, elle nous transmettra ses messages à travers son neuvième album « Izznan », qu’elle a ouvert par un “acewwiq” et qui comporte un texte en français de Mohamed Benchikou, directeur du journal “Le Matin” : « Donne-moi un pays ».

Généralement, Ferroudja Saidani compose ses chansons elle-même, en étant auteure de paroles et musique, mais cela ne l’empêche pas de chanter les textes d’autres poètes, kabyles ou autres.

Appel à l’union et à la fraternité

Elle a chanté deux textes du poète et militant libyen, Sifaw Twawa , « Assegas atrar » et « D imazighen » , un appel à l’union et à la fraternité de tous les amazighs du monde. Comme elle a chanté le texte « Numidia » du poète marocain, Karim Kennouf , où il décrit l’histoire et la beauté de la Numidie.

Par ses chants dit-elle : « Elle lutte par les idées. ». Et elle ajoute : « Avant d’écrire un texte, on doit connaître ce qui est écrit par nos aînés, connaître notre environnement, notre culture, notre littérature, nos artistes et, évidemment, avoir une certaine connaissance de tout ce qui se déroule dans la société où l’on vit. ».

Rôle de carrefour de l’amazighité

Pour elle, l’écriture est une thérapie qui permet de dégager les ressentis et les douleurs enfouis en soi. En plus de la chanson, Ferroudja Saidani, a participé aux films kabyles : « Asfel », Axxam Tajdalt », « Lmektub zdat tebburt », « Wa yufa, wa yestufa » et « Ihricen n tadsa ».

La particularité de cette artiste, dont le sang véhicule tous les pigments de tamazight, ne chante pas qu’en kabyle, la langue qu’elle a tétée dans les seins de sa maman, mais, elle a élargi son champ d’action à d’autres variétés linguistiques amazigh de tout le champ géographique, si vaste, de Tamazgha.

Elle a joué le rôle de carrefour de l’amazighité, par ses chants. Elle mérite tous les respects et les hommages pour ses activités, ses efforts et son rôle de courroie de transmission.

Annaris Arezki

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