
Dans son dernier roman, “La dernière escale”, Lounes Ghezali raconte les ultimes moments de la vie d’une personne qui s’apprête à mourir. Le personnage principal est une femme alitée, malade, qui repasse en revue son vécu à “l’aube de sa mort”…
C’est souvent la maladie ou un quelconque autre handicap qui nous révèle la fragilité de notre existence. La nature fait que, tant que la force de notre corps demeure, elle nous fait oublier cette vérité. Dès lors que la flamme de la vie s’éteigne un peu en nous, apparaissent dans notre esprit, des pensées et des questionnements d’un autre ordre.
L’humilité devant la mort ne nous gagne qu’une fois notre horizon barré est en vue. Les passions de la vie s’estompent alors progressivement au profit d’une autre dialectique qui nous accompagne dans les derniers moments de notre voyage vers notre sort ultime. Ceci est valable indépendamment de toute croyance ou religion.
Toutes les religions, y compris païennes, ont construit leurs mythologies autour de cette règle de la nature. Elles tentent toutes d’apporter un ultime apaisement à défaut d’explication. En langage cru, l’homme ne commence sa véritable solitude qu’une fois arrivé aux portes de la mort.
En mouvement mentalement…
Et qui, plus que celui qui est aux portes de la mort, peut-il aborder ce volet ? C’est ce sentiment de l’homme perdu devant la dimension cosmique de la vie et de la mort qui pousse l’être humain aux songes et aux rêves. Il en est ainsi dans « La dernière escale ».
Loin de vouloir divulguer une quelconque vérité, le personnage de ce roman, qui est une femme, mais qui pourrait être aussi bien un homme, rentre dans « cette matière à réflexion », le jour où il subit de plein fouet un AVC. Ce personnage qui devient immobile physiquement, se met alors en mouvement mentalement.
Pour la première fois, cette femme commence à dérouler sa vie avec de petites touches et un ton qui soulignent non seulement son caractère éphémère mais aussi son côté dérisoire. Elle donne libre cours à son esprit qui traverse biens des miroirs et des mirages qu’elle avait vécus et que seule la mort un jour lui enlèverait.
Prélude à la mort
Des questionnements cosmogoniques aux souvenirs les plus banals, mais qui soulignent tous, le pouvoir des souvenirs et de l’imagination dans notre existence. Elle découvre que la précarité de notre existence serait encore pire sans le pouvoir de notre mémoire collective et de nos souvenirs, les seuls paravent face à la mort.
Sur son lit d’hôpital ou à la maison, elle déroule l’histoire de sa propre vie non pour échapper au trépas mais pour retarder l’oubli qui est, lui-même, un prélude à la mort. Ses souvenirs (savent–ils qu’ils vivent leurs derniers instants ?) se bousculent dans sa mémoire et semblent presser de se divulguer. Elle les déroule un par un sans un quelconque ordre à suivre mais sans perdre pour autant sa lucidité.
Elle dresse une sorte d’inventaire de son passé et de sa vie ponctuée de moments de pleine conscience. Ses derniers instants seront consacrés presque entièrement à se rappeler son enfance jusqu’à son mariage. Un mariage dont elle se rappelle avoir assimilé déjà à une première mort…
« La dernière escale ». Lounes Ghezali. Editions Frantz Fanon. 2022. 600 DA. 128 pages.
F-D. Bélaid