avril 24, 2024
Accueil » Yasmine Tetah : “L’écriture est la voix qui instille les idées, qui peut faire changer les choses”

Convaincue de la nécessité de développer sa langue maternelle, Yasmine Tetah s’est mise à l’élaboration d’un dictionnaire Tamazight – Anglais. Sa façon à elle d’apporter sa pierre à l’édifice via l’écriture qu’elle considère primordiale pour faire changer les choses à travers les idées qu’elle instille…

“Aucun peuple ne s’est développé sans sa langue” (“Laεmer yennerna ugdud mebla tutlayt-is”). C’est par cette expression que l’enseignante et chercheur de 24 ans a donné le “La” dès la couverture de son dictionnaire Tamazight – Anglais qu’elle vient de publier aux éditions “Framed”. En tout, on y trouve 3077 mots et 321 expressions dans les deux langues.

Enseignante en langue anglaise à l’université Abderrahmane Mira de Béjaïa, Yasmine Tetah, du village Tigemounine (Ait Djellil, Béjaïa), en Kabylie, avait entamé ce projet alors qu’elle était encore étudiante. Un travail de collaboration pluridisciplinaire qu’elle a su mener à terme grâce à la précieuse implication de son ami chercheur l’américain Mark Lane Vines.

Pour revenir sur la genèse de son dictionnaire, son élaboration et ses objectifs, la jeune auteure, ambitieuse, persévérante et sérieuse dans son travail, a accepté de répondre à nos questions et de nous parler de son Amawal, le lexique Tamazight – Anglais…

Vous venez de publier un dictionnaire Tamazight – Anglais. Pourriez-vous nous en donner un aperçu ?

Le lexique Tamazight – Anglais contient un ensemble de termes et d’expressions utilisés dans Tamazight et son équivalent en langue anglaise. Nombreux exemples ont été utilisés pour expliquer ces termes et comment les utiliser.

Ce lexique entièrement nouveau pour le développement de Tamazight a pour but d’être un guide de référence moderne et pratique pour les élèves, les étudiants, les enseignants, chercheurs et tout le monde. Nous espérons, par ce modeste ouvrage, être à la hauteur des attentes de nos lecteurs.

Votre publication est le fruit d’un travail de longue haleine. Racontez-nous…

Ah oui ! Publier ce livre m’a demandé beaucoup de recherches, de lectures et de consultations. C’était un projet du cœur, lorsque je préparais mon mémoire de fin d’études, je travaillais en même temps sur ce livre. Chaque projet commence par une idée, et l’idée est fondamentalement la graine sur la base de laquelle les civilisations se développent.

La différence des couleurs et leur diversité qui a augmenté la beauté de la nature et des peintures artistiques. Pour cela, je remercie tous ceux qui ont contribué à mon soutien : les enseignants de la langue Tamazight  Abderrezak Benabdeslam et Cylia Moulla qui m’ont soutenu, ainsi mon ami le chercheur américain Mark pour ses conseils.

Je remercie également la maison d’édition “Framed éditions”, dirigée par Monsieur Madani Guermouche, pour le sérieux de son travail et la gentillesse de son cœur, ainsi que toute ma famille et mes amis je leur donne  tout mon amour et mon  appréciation.

Etant professeur d’anglais, comment vous est venue l’idée d’écrire un dictionnaire Tamazight – Anglais ?

Avant d’être enseignante à l’université, j’ai lancé ce projet en tant que chercheuse et étudiante. J’avais connu un chercheur américain, je le consultais souvent sur des sujets liés à la langue anglaise. Il aimait découvrir de nouvelles langues et parfois il me posait des questions sur le sens des mots en anglais vers Tamazight.

À partir de là, je me suis dit qu’il fallait que je compose un dictionnaire ou un lexique dans le but de développer notre langue maternelle…

Nous les Amazighs sommes unis par le sang de la jalousie positive sur notre langue à cause de notre amour intense pour elle, alors je me dis toujours :”Les langues du monde, ses peuples et ses civilisations sont ceux qui ont cherché à les développer, alors pourquoi ne faisons-nous pas la même chose ?”

Comment votre ouvrage pourrait contribuer au développement de votre langue maternelle et son ouverture sur l’universalité ? Et qu’en pensez-vous de l’apport de la littérature pour la langue maternelle justement ?

Mon récent livre est un projet qui vise à développer notre langue maternelle et la langue de l’Afrique du nord en général. C’est aussi l’occasion pour l’intégration de la langue anglaise en Algérie suite aux nouvelles orientations concernant son utilisation… Cela continuera à faciliter les choses pour tout le monde.

Pour ma part, contribuer au développement de la littérature est l’une des choses importantes sur la base desquelles les civilisations naissent et s’élèvent.

Lorsque quelqu’un délaisse sa langue, c’est sa propre culture qui perd en fait ! Et lorsqu’on vit avec une culture qui n’est pas la nôtre, cela veut dire qu’on est colonisé, on ne vit pas… (Mi ara yesruḥ yiwen Tutlayt-is, d idles-ines i yesruḥ, mi ara yidir umdan s yidles n wayeḍ mačči d tudert i yedder, d astaɛmeṛ i yettwastaɛmeṛ).

D’ailleurs, ces dernières années, on constate une effervescence remarquable de la production littéraire en tamazight. C’est quelque chose qui plaît aux cœurs et c’est cette effervescence et cet engouement des jeunes auteurs pour écrire en tamazight qui fera avancer notre langue maternelle.

Selon vous, quel rôle peut jouer l’écriture dans le développement, personnel et sociétal au sein de la société ?

L’écriture est la voix qui fait du bruit sans crier, la voix qui instille les idées et qui peut faire changer les choses, qu’elles soient individuelles ou sociales.

L’esprit de l’écrivain est dans sa plume, pour moi l’écriture est l’évasion, le remède et le médicament. L’écriture est un pays dans lequel nous vivons. Lorsqu’une personne a la démangeaison d’écrire, rien ne peut la guérir sauf en la grattant avec un stylo.

Un dernier mot pour conclure, vos projets ou si vous avez un message particulier à passer…

Tanemmirt ɣef leqder-nwen, je vous remercie du fond de mon cœur pour votre soutien et vos encouragements, et je vous remercie pour le sérieux de votre travail. Je suis vraiment honoré de m’engager avec vous dans ce dialogue. C’est un grand honneur.

Pour mes projets, je dirais que chaque idée est un projet et le projet est un plan. J’ai beaucoup de projets, mais je préfère laisser mes réalisations parler à ma place.

Pour terminer, je voudrais remercier chaleureusement mes parents, mes professeurs, mes frères, mes sœurs, mes amis Amira, yasmine, Drifa, Meryama, Ismahane, Taous et tous les membres de ma famille pour leur amour infini. J’exprime aussi mes remerciements chaleureux pour Mr Abderrezak Benabdeslam, Sofiane Kaci et Cylia Moulla pour leur grande aide et leur précieuse collaboration pour la sortie de mon dictionnaire.

Merci à tous ceux qui me soutiennent.

Propos recueillis par Hamza Sahoui

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *